Ce matin, je prenais tranquillement le petit-déjeuner avec mes amis humains… C’est-à-dire que, tandis qu’ils chassent les brumes du sommeil avec un café ou un thé, je me blottis près d’eux à table, sur ma petite chaise… C’est une oasis de calme avant les défis de la journée…
Mais ce matin, nous fûmes brutalement surpris par des tirs de barrage dignes de Verdun. Stupeur. Des hommes casqués apparurent à notre fenêtre, munis de barres de fer. Des perceuses déchirèrent le silence… A la rambarde, les géraniums et l’hellébore, saupoudrés de plâtras, se mirent à tousser.
Affolé, j’abandonnai ma chaise. Aucune de mes cachettes habituelles n’était à la hauteur d’une telle invasion.
Dans mes paranoïas les plus intenses, je n’avais jamais imaginé pareil scénario : la guerre au petit-déjeuner!…
Rampant, j’optai pour la plus inattendue des planques : ma boîte WC. D’ordinaire, elle me répugne, car elle me rappelle que je ne suis pas un être éthéré, chose que j’ai du mal à admettre même à 10 ans passés, moi qui aime tant la propreté…
Mais ce matin-là, coque solide, cocon acoustique fleurant la Javel, munie d’une porte hermétique, elle me parut le plus doux des asiles. Je m’y blottis.
Mes amis humains furent très étonnés de m’y trouver.
Ils m’ont depuis aménagé un panier au calme dans la cuisine. Ils m’ont parlé « d’échafaudage » et du « ravalement de façade » de notre immeuble, mais on ne me la fait pas!
Nous sommes envahis, je le sais, et il va falloir que je sorte mes amis géraniums et l’hellébore de cet enfer!…